Nous avons donné rendez vous à Corinne Geiler à la Gare de l’utopie un après-midi pluvieux d’avril – elle arrive de la montagne avec quelques centimètres de neige sur le toit de sa voiture… Voilà des semaines que son nom revient sans cesse dans les conversations. Corinne est originaire de Vertolaye et connait bien le secteur. Elle est institutrice à mi-temps à Marsac et aussi grande amoureuse de la nature et des sports de plein air.

Comment est-elle tombée dans la vannerie ? Elle a d’abord monté avec son compagnon une association pour guider les novices dans la découverte de l’environnement local. Mais en fin de compte le public restait un public amical et elle a voulu trouver une autre entrée pour explorer le territoire et l’environnement naturel. Elle s’est alors intéressée à la vannerie sauvage. Elle a commencé par faire le tour de ses voisins, les anciens, pour connaître leurs secrets et qu’ils lui transmettent leur savoir-faire. Mais ils étaient très âgés et avaient des difficultés à tresser les végétaux et se souvenaient pas toujours des gestes. Ne voulant pas les mettre en difficulté elle a arrêté et s’est mise à l’œuvre, tout en allant ponctuellement faire des stages à droite et à gauche.
« Autrefois ici, les anciens utilisaient le noisetier, le saule… Ils fabriquaient quelques paniers qui leur servaient au quotidien. Dans toutes les fermes il y avait un petit point d’eau, autour duquel on plantait quelques pieds d’osier. Mais ce n’est pas une région à osier. Il y a peu de lianes ici, peu de clématites ; par contre des ronces… Les ronces, c’est fastidieux car il faut enlever les épines mais aussi couper dans la longueur et gratter l’intérieur »
Nous nous demandons comment intégrer la vannerie à l’aménagement des espaces publics et aux parcours de jeu en création. Elle nous questionne sur la durabilité souhaitée des installations imaginées dont dépend le type de végétaux et les techniques utilisés. « Pour le noisetier ou autres c’est plutôt 4 ou 5 ans, guère plus… » Elle tresse peu les végétaux vivants ce qui est pourtant en plein air une pratique plus durable. On l’interroge d’avantage sur les ressources locales. Bien sûr le saule et le noisetier sont des constantes, mais il serait possible de planter de l’osier qui pousse facilement et partout. Leur équipe, une petite dizaine d’amateurs, se retrouve régulièrement pour échanger leurs savoir-faire et créer paniers, mangeoires et autres créations personnelles. Ils cherchent toujours des matériaux – leurs propres plantations ne suffisant pas – et l’idée de créer une pépinière collective l’intéresse : pourquoi ne pas planter par ici, le long des voix ferrées et des fossés ? Ou dans l’ancien camping ?…
On échange les références, puisque Cécile a déjà pratiqué la vannerie avec l’artiste vannier Erik Barray et Louis, paysagiste a eu l’occasion d’aborder la question du plessage et de la vannerie au fil de son parcours. Corinne nous parle de l’oseraie de l’île qui l’intéresse beaucoup

Nous allons faire un tour derrière la lampisterie et étudions la possibilité de créer une haie végétale pour dessiner un belvédère sur la Dore. Ici les noisetiers sont imposants et pourraient être taillés pour devenir matière à construction. Mais pour notre calendrier c’est rappé ! Les végétaux doivent être taillés et mis en forme l’hiver. Par contre nous pourrions imaginer planter une petite pépinière d’osiers en mai lors de notre temps de résidence – un peu tard mais pas impossible. Il faut voir si cela a du sens et n’est pas anecdotique à ce stade. En même temps c’est l’occasion d’éprouver la faisabilité et de commencer à habiter le coteau… Nous nous interrogeons sur la possibilité d’utiliser d’autres matériaux comme la tresse industrielle. Nous pourrions d’ailleurs mixer végétaux et tresse. Corinne et deux autres vanneuses locales seront en formation vannerie la semaine de notre résidence en mai par contre elles pourraient être invitées pour la semaine de la Fête de la Gare en juin.
Nous échangeons aussi sur d’autres perspectives : elle fait partie d’un groupe d’artisans d’art locaux qui cherchent désespérément un local pas cher à Ambert pour exposer et vendre leurs créations. Ils ont fait vivre ponctuellement une boutique éphémère – grâce à la mise à disposition gracieuse par un ami – mais celui-ci vient de vendre son petit immeuble… On évoque la possibilité de faire de la Gare un espace de vente l’été par exemple – ce qui pourrait venir s’adosser à l’idée d’une boutique de producteurs.
Dans le prolongement on se dit qu’une saison pourrait être consacrée au tissage en croisant savoir-faire industriels, artisanaux, ancestraux comme la dentèle, puisque Arlanc détient un musée très actif sur le sujet…. Une saison sur le tissage qui pourrait permettre de projeter les films de Christel Gay sur la vannerie locale (Un sur les paillas fabriqués à partir de paille de seigle et l’autre sur un gitan vannier d’Ambert), mais aussi mettre en place des stages, workshops…
Bien sûr nous revenons sur la question de l’oseraie et de la plantation du site en ce sens et cela intéresse beaucoup Corinne qui en parlera au groupe de vannerie. Elle imagine une gestion à plusieurs. Une piste à creuser… Elle nous quitte et nous envoie ce message :
« Au delà de la vannerie, le côté faire connaître des « savoirs-faire » qui nous entourent me passionne. Trouver un lieu qui chaque année proposerait une thématique (genre tressage, genre terre, genre…) en ayant des moments phares comme des expositions, des ateliers, des résidences, des stages … qui mêleraient artisans, artistes d’hier et d’aujourd’hui, d’ici et d’ailleurs et qui pourraient construire petit à petit votre sentier… Bref , si un jour vous approfondissez ce genre d’idée, je veux bien faire partie de la réflexion. »
Prêts pour la réflexion !