La deuxième partie de la marche se focalise sur les commerçants du centre-bourg. Nous commençons par la boulangerie avec un témoignage du patron. Venu du Nord, il a racheté la boulangerie en 2015 pour se reconvertir et venir vivre au vert dans cette région choisie par petite annonce. Il se retrouve aujourd’hui en difficulté économique et vient de mettre son commerce en vente. Il a pris la décision d’arrêter son activité, car « ce n’est pas assez rentable ! Je ne vais pas vivre avec 500€ par moi !! ». Il nous précise « je l’ai pris en croyant que ça allait fonctionner, mais ça ne fonctionne pas !…» En trois ans, il a vu son chiffre d’affaire baisser et sa clientèle la plus fidèle disparaître au fil des années. Sa clientèle ne se limite heureusement pas aux habitants de Job, qui selon lui « ne jouent pas le jeu ». Beaucoup achètent aussi leur pain à Ambert où ils travaillent. « Ceux du bas du bourg je les comprends, je ferai pareil à leur place !».
Le tourisme avec les résidences secondaires est très important pour la survie de son commerce. L’année dernière de juillet à fin août il a augmenté sa production de 30%. Il précise en effet que « quand il commence à faire beau, il y a les touristes qui arrivent, il y a les maisons secondaires. Là on augmente la quantité… » Comment fait-il pour savoir quoi produire ? Il habite sur place et il nous dit « Quand je vois les maisons ouvertes, j’augmente mes quantités !». Le boulanger raconte aussi que les demandes se transforment : « après on veut du bio, on veut du sans gluten, mais je ne fais pas tout ça ! c’est trop de travail ! pour un client, je vais passer des heures à nettoyer le matériel… ce n’est pas rentable pour moi! ce n’est pas une question que je ne veux pas le faire, ce ,’est pas possible. ». La démographie du centre-bourg où est localisée sa clientèle la plus fidèle, participe aussi à ce déclin « Moi l’année dernière j’ai perdu 10 bons clients… Là cette année 3, ça fait beaucoup !»… Nous finissons par quelques emplettes…

Ce témoignage fait écho à d’autres souvenirs d’Alain… « Quand il y avait l’aérium, il y avait un bus qui arrivait de Clermont pour les parents qui venaient voir leurs gamins. Le car se garait, posait les parents, puis ils allaient chercher leurs gamins, et venaient directement à la boulangerie chercher une pâtisserie et un gâteau. Et on les voyait se balader dans le village en train de grignoter leur pâtisserie… ». La présence de l’aérium était en effet une grande richesse pour les commerçants. Lors d’un entretien effectué avec les filles de Mme Tournebize (femme du photographe Antoine Tournebize), qui tenait un magasin d’électroménager, elles racontaient que lors de la visite des parents, un grand nombre d’enfants achetait des jouets dans le magasin d’électroménager de leur mère. Les employés faisaient aussi vivre les commerces. Lors de la sieste des enfants, les monitrices allaient boire le thé et le café chez Guillomont… ce qui explique peut être les siestes obligatoires très longues que nous décrivent les anciens pensionnaires…
L’arrêt de l’activité de l’aérium a eu une influence importante sur la dévitalisation du bourg. L’évolution des modes de vie participe aussi à ce déclin du commerce dans le centre-bourg : consommation au supermarché, augmentation des mobilités…. facteurs que décrit Olivier Razemon dans son livre à succès « Comment on a tué les centres-villes ».

Nous continuons notre parcours en entrant dans l’épicerie de Job pour rencontrer Mme Béal et sa fille, toutes deux gérantes depuis 26 ans. La fille était avant coiffeuse et a été contrainte d’arrêter pour cause d’allergie aux produits. Cette épicerie familiale est une reprise de l’ancienne épicerie-tabac de Mme Souchon. Elle va être délocalisée à la fin de l’année dans l’ancien bistrot Guillomont de l’autre côté de la route. La reconversion est en cours, conduite par le père que nous rencontrerons en sortant. Tout comme le boulanger, elles connaissent depuis une dizaine d’années une baisse d’activité. D’après elles, « c’est une marche arrière, grande marche arrière, c’est net… Les gens ne jouent pas tellement le jeu… ils ne font pas travailler les commerçants… ils ne font pas vivre le bourg !» Cette épicerie est quand même un poumon pour le village, ouverte quasi tous les jours et permettant de dépanner en proximité… Une grande partie de leur clientèle se résume aux personnes âgées, ce qui ne permet pas, avec les décès et les départs en retraite, de leur procurer une stabilité et d’augmenter leur chiffre d’affaires : « on a une clientèle qui est âgée… on a perdu beaucoup ». En sortant nous rencontrons le père qui nous explique son chantier est nous exprime sa colère contre les institutions et les collectivités qui financent des projets et pompent par les impôts les commerçants. Il dit être fier de rénover sans aide public avec ses propres fonds, et pas ceux gagner à l’épicerie. Lui est retraité de chez Michelin.
Notre marche se poursuit à la boucherie en face de l’église. Le Boucher est lui aussi assez négatif sur l’évolution de son commerce depuis sa reprise en juillet 2011. Lui vit à Lezoux, a plus de 40 minutes. Il imagine acheter une autre boucherie pour mutualiser des frais et permettre de mieux s’approvisionner. « Étant donné que ça baisse trop en chiffre d’affaires c’est soit une deuxième soit je ferme… Mais après il ne faudrait plus que ça baisse trop, c’est pareil on est pas la pour le plaisir, on aime ce qu’on fait, mais il faut en vivre quand même !». Sa meilleure clientèle étant aussi les anciens du bourg, la stabilité reste fragile. « Le plus gros concurrent il est en face (en visant l’église) et ce n’est jamais renouvelé ça ! »
L’ouverture de cette deuxième boutique permettrait « d’acheter une bête chez le paysan et la vendre », mais « pour cela il faut avoir un débit de viande qui est quand même régulière, au moment où vous n’arrivez plus à passer une bête en 15 jours ça devient problématique parce qu’après vous êtes obligé d’acheter une demie bête ». Mais pour acheter une demie bête vous ne l’achetez plus chez le paysan vous êtes obligé de passer chez un grossiste donc vous payez plus cher…» donc ce qu’il précise c’est qu’en multipliant les points de vente, « vous achetez tout le temps chez le paysan, mais vous vendez à deux trois endroits…vous gagner nettement plus comme ça ». En boucherie c’est la manière première qui est chère « une bête mine de rien c’est 2000€ » et la vente du morceau de viande « c’est 4 jours, vendu ou non vendu s’ il n’est pas vendu il va à la poubelle ». Pour lui, il faudrait faire un petit marché devant l’église. « Pour les commerces alimentaires,ce qui nous apporterait c’est un marché, ou un hôtel, des choses comme ça » . Lui fonctionne beaucoup avec les résidences secondaires Les gens de passage trouvent ici une viande de qualité moins cher et font de larges emplettes pour ramener en ville. Sa plus grosse clientèle ce sont donc ce qu’il appelle les « demi-jobois » : 50% de son chiffre d’affaires ! « Et l’été ça peut monter plus ». « Tous les gens du sud qui viennent et qui voient une entrecôte à 19€ quand ils repartent achètent et mettent sous vide ! les Parisiens c’est pareil, c’est pour ça qu’on fait beaucoup de bénéfice. Les gens du pays ils font moins ça. » Concernant l’achat de sa viande, il s’approvisionne chez un grossiste à Vichy « mais ça reste local, de toute manière on est obligé d’avoir un grossiste…. Après pour ce que je prends dans le coin, agneau, veau, etc. je le fais abattre à Ambert !».
Cet itinéraire dans les commerces de Job nous amène à nous interroger sur la durabilité de ces commerces et sur le dynamisme du centre-bourg ! Nous terminons chez Joëlle au Bobar qui nous parle des relations entre commerçants pas toujours très solides à entretenir. Elle nous a préparé des belles tuiles et a entrepris de repeindre son bar ! vers un nouvel élan ?! Nous finissons en discussion en petit comité.