Aujourd’hui nous partons à Clermont-Ferrand rencontrer Christine Descoeur, architecte-urbaniste conseil au CAUE 63, que l’on nous a indiqué comme incontournable pour notre enquête ! Nous découvrons avec elle que Job a été une « station climatique » dotée de caractéristiques spécifiques : air plutôt sec, moyenne montagne, ensoleillement… La présence et la succession de lieux d’accueil et de soin sur le site des Mélèzes peut alors être lue au regard du contexte politique, social et médical du 20eme siècle…
« On ne peut pas déconnecter (l’histoire de ces stations) de l’histoire de la médecine. La pénicilline n’arrive que dans les années 50. C’est le médicament qui va permettre de guérir plein de choses, notamment de la tuberculose et de beaucoup de maladies pulmonaires. Avant cela, on utilise des moyens assez rudimentaires : l’isolement, la bonne alimentation, le repos… et c’est ce qui donne en programmation architecturale, des lieux comme celui-là.
C’est aussi l’histoire de Sabourin à Clermont-Ferrand où s’est réinstallée il y a peu l’école d’architecture… Le sanatorium Sabourin il faut le replacer dans le contexte médical de l’époque parce que sinon on ne comprend sa programmation (architecturale). Si on regarde la construction de ce bâtiment, on découvre une lame étroite, où on va mettre des chambres avec des lits déplaçables sur les balcons : on va soigner les gens en les mettant au bon air, au soleil. Le soleil était très utilisé aussi parce qu’il asséchait les bronches. Voilà pourquoi on retrouve le solarium en haut du bâtiment parce qu’on y montait les malades. Il y avait aussi un bloc chirurgical et on pratiquait ce qu’on appelait les « pneumoretolaxes ». On mettait de l’air entre la plèvre et le poumon, le poumon se contractait… ça devait être douloureux, c’est horrible quand même ! […] Et en même temps on pratiquait une sûre alimentation en disant que si on donne bien à manger aux gens ils vont lutter plus facilement, si on est dénutri on lutte beaucoup moins bien.
Ça correspond aussi en matière d’urbanisme à la salubrité des villes.On disait lutter contre les miasmes de la ville. C’est l’époque après la guerre 40, où l’on va ramener un certain confort, on va repenser les cellules à habiter. Donc les gens qui vivaient dans ces contextes-là, souvent des gens de la campagne qui étaient venus à la ville qui ne gagnaient pas énormément bien leur vie, mais qui était contents d’avoir du travail, et bien, ils se trouvaient mal dans ce contexte là et tombaient malades… Et donc les enfants si ils étaient asthmatiques, ils avaient une bronchite, ils avaient du rhumatisme articulaire aigu… souvent on les envoyait…
Cette histoire de la médecine, les médecins ne s’en sont pas saisis ! Ils ne racontent pas assez cette histoire. Et donc quand on décide que l’établissement de Sabourin va être démoli ça n’a fait aucun émoi au départ, ça n’a fait qu’un émoi dans la profession… C’est intéressant ça aussi l’histoire de la conservation du patrimoine. Là ce sont les architectes qui vont monter au créneau pour la conservation de ce bâtiment. Ce qui est assez étonnant, alors que ce type de bâtiment au programme très typique il y en avait plus en France, c’est resté unique.
Ce qui est intéressant c’est de regarder comment on opérait aussi par prévention… donc ça a permis de développer tout ce qui était rattaché à la pleine santé et là d’autres stations se sont développées. […] Il y a eu trois types de stations. Il y a eu les stations thermales, mais ça on part fin 19e début 20e, on va avoir 3 types, les stations thermales où l’on va prodiguer des cures, les stations balnéaires où l’on va prendre l’eau se baigner, respirer l’air marin, donc ça va faire tout le développement de la cote Ouest, les stations du sud de la France de la cote méditerranéenne et puis les stations qu’on a dites climatiques et donc c’était des stations qui étaient plus en altitude, dans ces stations climatiques où l’on va mettre les gens au bon air, en mangeant bien et en dormant… A oui le sommeil faisait partie de la pleine santé. Donc on poussait les gens à bien dormir et à faire la sieste. On va avoir en Auvergne plein de stations climatiques qui vont se développer. Donc ça, c’est au début du siècle… mais vont arriver ensuite les guerres. La guerre 14 et la guerre 40 et donc les dégâts que ces guerres vont faire. Dons la guerre 14, les gens qui ont été gazés, les gens qui ont été détruits physiquement qu’on va envoyer dans ces stations climatiques se remettre et tout ça. Et puis la guerre 40 effectivement les déportés. […]
Il y a ça donc le contexte médical, le contexte de maintenir sa pleine santé à travers ces cures et il y a une troisième chose que vous avez évoqué tout à l’heure, avec le développement au niveau social, tous les avantages que l’on va pouvoir mettre en place. On va avoir des caisses, des caisses régionales, la sécurité sociale qui va s’emparer de ça et faire des centres ou l’on va pouvoir envoyer par exemple des enfants dans le cadre de séjour courts. Et ça ce sera aussi, mais c’est parce qu’on est dans les années après la guerre ou l’on peut développer à travers des mesures sociales des développements, enfin voilà. »
L’histoire des Mélèzes et de ces structures ne peut être lue sans l’histoire de la médecine. Leur essor et leur déclin sont étroitement liés à l’apparition de nouveaux médicaments et dogmes. Christine s’est en attelée à plusieurs projets de valorisation des stations thermales du territoire, et à différentes réflexions stratégiques sur leur devenir. Elle a participé réseau S3 qui a pour objectif de développer 5 Domaines d’Innovation Stratégique (DIS) « dont deux sont en lien direct avec le développement des stations thermales » d’Auvergne. Une dédiée à « la prévention-santé et le confort de vie des patients » et l’autre aux « Espaces de vie durables ».
Elle intervient par ailleurs dans le master de l’IADT, notamment sur les enjeux patrimoniaux et notamment ceux des stations thermales. Christine semble vouloir pousser la réflexion de valorisation et revitalisation des stations thermales et climatiques, aujourd’hui vacante et en situation de dégradation. Elle présente la station de Saint-Genest-la-Tourette qui présente des caractéristiques similaires de celles de Job, avec les mêmes problématiques de vacances et de dégradation. Nous y pensions, mais cela donne envie en effet de nous mettre en rapport avec d’autres territoires…